La plongée et le tabac

Cet article est tiré du magazine « Plongeurs » (Oct/Nov 97).

Vous êtes fumeur ? Vous aimez plonger ? Alors lisez ces quelques lignes qui font réfléchir sur les accidents auquels s'expose un plongeur (ou une plongeuse) en fumant avant de plonger.

Deux composants de la cigarette sont nocifs pour le plongeur : la nicotine et le monoxyde de carbone.

La nicotine provoque une contraction des petites artères, ce qui diminue de façon importante l'afflux sanguin dans l'organisme. Cela est particulièrement net au niveau de la peau et des extrémités (doigts et orteils). Quand l'effet de la nicotine s'estompe, les artères reviennent à la normale. Cependant, ce va et vient est tout à fait défavorable à l'élimination de l'azote et devient donc un facteur important de l'accident de décompression.

Il faut savoir que la nicotine agit à deux niveaux : à long terme, avec une intoxication due à une longue tabagie et à court terme, avec la "dernière cigarette fumée". C'est surtout elle qui va nous intéresser ici et qui met en danger d'accident de décompression dit "immérité". D'où l'extrême importance de ne pas fumer dans les 8 à 12 heures précédant une plongée, c'est à dire le temps nécessaire pour éliminer cette "petite dernière". Un fumeur est plus exposé aux accidents de décompression, même s'il respecte à la lettre les données de son ordinateur de plongée ou de ses tables ! Et un non fumeur (absorbant la fumée d'un fumeur proche de lui) réagira encore plus violemment.

La nicotine diminue l'irrigation sanguine dans le coeur, qui s'adapte alors moins bien à l'effort : le corps se fatigue alors plus vite. Rajoutons encore un danger supplémentaire : l'association nicotine et monoxyde de carbone rend le sang un peu plus coagulable, ce qui peut favoriser l'obstruction des petits vaisseaux et donc encore la survenue d'accidents de décompression.

Plus on fume, plus l'hémoglobine du sang est chargée en monoxyde de carbone. Or, l'hémoglobine sert au transfert de l'oxygène. Et le monoxyde de carbone (CO) gène le mécanisme de ce transfert car il prend la place de l'oxygène vital pour l'organisme. Imaginez qu'un train circule de nos poumons à nos cellules (c'est l'hémoglobine du sang). Normalement, ce train embarque des passagers "Oxygène" à la station "Poumons", qui descendent habituellement à la station "Cellules" et qui sont remplacés à cet endroit par des passagers "Gaz carbonique". Si des passagers squatteurs à la mine patibulaire (les molécules de CO), montent dès le départ du train en occupant la majorité des sièges, l'oxygène n'a plus de place. Le train transportera alors ces passagers "CO" jusqu'aux cellules ! Or ces passagers sont toxiques pour les cellules.

Il a été démontré que fumer trente cigarettes par jour provoque l'occupation de 15 % de l'hémoglobine dans le sang, c'est à dire 15 % des sièges du train. D'accord, ceci n'a pas vraiment d'effets dans la vie de tous les jours, mais lors d'un exercice physique et donc de la plongée, les effets peuvent être désastreux.

Le traitement de l'intoxication au monoxyde de carbone (CO) se fait en caisson hyperbare. En effet, les passagers "Gaz carbonique" sont coriaces et s'accrochent aux sièges (c'est à dire à l'hémoglobine). Le seul moyen de les détacher est d'amener un afflux massif de passagers "Oxygène" pour leur casser la figure.

Ceci n'est évidemment pas réalisé en plongée car aux profondeurs habituelles, les molécules ne sont jamais assez nombreuses pour chasser le monoxyde de carbone. Donc, à l'évidence, être un fumeur chronique et fumer avant la plongée expose à une intoxication au monoxyde de carbone, qui augmente de plus en plus avec la profondeur. A entraînement et plongée semblable, un fumeur videra sa bouteille bien plus vite.

De même, le tabac irrite les voies aériennes supérieures. À force, les différents conduits deviennent moins souples et enflammés. Donc leur diamètre rétrécit et leur sécrétions sont plus abondantes. En conséquence, équilibrer les oreilles peut devenir plus difficile.

Le même phénomène se passe au niveau de certaines ramifications des voies aériennes dans les poumons (bronchioles). L'air sous pression, à la descente, passe relativement facilement, mais il peut rester bloqué à la remontée puis en se dilatant, provoquer une surpression pulmonaire "locale", même si la vitesse de remontée est respectée.

On constate donc que le tabac peut être causes d'accidents de plongée. On peut néanmoins limiter certains risques (entre autre celui de la "cigarette avant la plongée") par des mesures simples :